Etymologie : Méchant

"Quel profit tires-tu de ta morsure ? ('Arekhine 16b)

D’où vient le mot « Méchant » ? Avez-vous une petite idée ?

Sinon, je propose un petit indice ?!
« Tire la bobinette, et la chevillette cherra ! »

Toujours pas ?!
« Cherra » est la troisième personne du singulier du verbe « choir » au futur de l’indicatif : « elle cherra » signifie donc « elle tombera ».

Alors, ça ne dit toujours rien !? Un autre indice peut-être ?
« Myriam dit à Tsipora : Elle n’a pas fait que parler, tu sais, elle a même médit à son sujet. Elle a lâché tout son venin sur son propre frère ! Comme je suis en train de le faire moi-même maintenant. »

Je sens que ça commence à venir.
Il y a « Dire » et il y a « Médire » : dire du mal, mal dire ;
Il y a « Prendre » et « Méprendre » : mal prendre quelque chose ou une remarque ;
Il y a « Aimer » et « Mésaimer » : mal aimer, avec maladresse.
Il y a « Seoir » et « Messeoir » : convenir et mal convenir.
De même, il y a « Choir » et « Méchoir ». Tomber et mal tomber.

Tout est dit quasiment. Au participe passé il se conjugue ainsi : méchu. Oui, tout à fait Madame Michu ! Mais ce verbe ne se conjugue pas au participe présent. On dit « en tombant » mais on ne dit pas « en méchant ».

On y est presque. C’est un verbe transitif indirect. C’est à dire, que c’est une action qui s’applique à quelque chose ou sur quelqu’un d’autre de façon indirecte.

Donc Méchant est un substantif construit à partir du verbe Méchoir. Comme on a construit Seyant de Seoir (dont le participe passé est « sis »), Messeyant de Messeoir, Voyant de Voir etc.

choir : verbe transitif indirect qui veut dire « tourner mal », « causer un dommage » (d’apr. Littré, Guérin 1892, DG, Lar. 20e). Il vous mécherra de cette entreprise (Littré).

Le méchant est celui qui possède cette nature de causer du tord en lui, de façon profonde et répétitive. Cette chose le caractérise.

La science de la langue a certes un grand intérêt, mais quels liens peut-elle tisser avec une quelconque parole de Thora qui est le propos principal de ce site ?

Tout ceci sert de prétexte à un verset du roi Salomon (Proverbes, Michléi, 24, 16) :
.כִּי שֶׁבַע, יִפּוֹל צַדִּיק וָקָם; וּרְשָׁעִים, יִכָּשְׁלוּ בְרָעָה
« Car le juste tombe sept fois, et se relève; mais les méchants sont piégés (empêtrés, coincés, emprisonnés, enfoncés) par une méchanceté (qu’ils fomentent contre le juste). »

Aussi surprenant que cela puisse nous paraître,
le juste n’est pas celui qui ne se trompe jamais.

Ce verset définit donc le juste comme celui qui sait se relever de ses erreurs et qui n’a pas perdu de vue ses repères dans sa chute. Il sait bien qu’il agit mal. Il n’érige surtout sa faiblesse en norme ou en principe idéologique. Il sait reconnaître sa faiblesse sans nullement s’y complaire. Il espère seulement que ce n’est qu’un accident de parcours et non un chemin de perversion qu’il s’ouvre. Il se relèvera toutefois, même si cela devait se répéter.

Le méchant quant à lui, ne sait pas tomber. Il se complaît dans ses erreurs desquelles il se désensibilise au fur et à mesure. Il ne voit plus le problème. Il croit dès lors tenir bien debout. Il se voit beau, digne. Si sa chute n’en est pas une, à ses yeux, comment alors tentera-t-il de se relever ? C’est pour cela qu’il ne tombe jamais à ces yeux. D’ailleurs, la chute n’est pas mentionnée dans le verset au sujet des méchants.

Comme le dit le grand sage d’Israël (idem 14, 12) :
יֵשׁ דֶּרֶךְ יָשָׁר לִפְנֵי אִישׁ וְאַחֲרִיתָהּ דַּרְכֵי מָוֶת
« Il arrive qu’un chemin semble droit au regard de celui qui l’emprunte,
mais il peut s’avérer qu’au bout de celui-ci, ses voies soient mortifères. »

Noter le pluriel du mal (les méchants, des voies fatales) et le singulier du bien (le juste, un chemin droit) dans les deux versets.

Remarque importante : Évacuons rapidement ici une lecture paresseuse. Je ne voudrais surtout pas être l’alibi de ta défaillance, mon hypocrite frère. Nos sages nous ont déjà averti. Tout celui qui faute en  imaginant qu’il se relèvera, ou en imaginant que le jour de Kippour effacera son péché, commet une très grave erreur. Il ne saurait s’en relever, ou alors après d’horribles souffrances, à D. ne plaise. Déjà dans un contexte normal, personne ne croit vraiment à la Techouva, à la rédemption, au retour vers la proximité perdue du Saint béni soit-Il… Fauter avec une telle légèreté c’est déjà se placer dans les conditions idéales du Méchant qui se ferme la seule porte du retour qui lui restait : La remise en cause de ses actes, la mauvaise conscience, cette conscience minimale de se savoir à côté de la plaque, de ne pas perdre totalement ses repères de vue (la Thora et les Mitsvoth).

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Une réponse à Etymologie : Méchant

  1. Israel Molly dit :

    Super intéressant !!!!
    Regarde ça
    http://tora.us.fm/tnk1/kma/qjrim1/rja.html

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